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Le Barbier (farce mécréante), au Nid De Poule – Lyon

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27 octobre 2018 par nouvelles repliques

 

Avec sa première création, l’Amicale des Misanthropes annonce directement la couleur, en choisissant d’adjoindre au titre « Le Barbier » la précision « farce mécréante ». Ainsi, toute personne au sentiment religieux un peu trop chatouilleux ne pourra s’en prendre qu’à elle-même si elle vient à se trouver offensée par le propos du spectacle, qui prend résolument le parti de la raison dans le combat millénaire qui l’oppose à la foi ou à la croyance !

Un affrontement qui se prolonge donc sur scène, dans l’échoppe d’un barbier fanatique, si terrorisé par la perspective de griller en enfer qu’il en a oublié comment mourir, mais qui ne se prive pas pour autant de faire passer, depuis des siècles, l’arme à gauche à nombre des clients qui prennent en toute confiance place dans son fauteuil pour un petit rafraîchissement. En effet, l’ardeur de sa foi et son exécration pour le péché et surtout pour le blasphème, couplées à la terrible crainte que lui inspire l’omniscience du regard divin, échauffent régulièrement ses humeurs jusqu’à des paroxysmes que seul un déchaînement de violence meurtrière peuvent apaiser. Jusqu’au jour où un client un peu particulier parvient non seulement à lui opposer nombre d’arguments philosophiques et métaphysiques propres à bousculer les dogmes sur lesquels il base sa vie, mais aussi à garder le souffle et la parole provocatrice malgré les coups de rasoir qui lui sont infligés. S’ensuit une situation délicieusement absurde opposant ces deux personnages « immortels », auxquels se joint une trépassée pourtant pleine de vie, autour de la question théologique et de ses terribles répercussions sur les sociétés humaines au fil de l’Histoire.

 

On rit beaucoup durant la petite heure bien remplie que dure cette « farce mécréante », non seulement grâce aux trésors burlesques que déploient, le virevoltant Christophe Rosso en tête dans son rôle-titre, ses trois interprètes dans leurs joutes verbales et dans leurs gesticulations grand-guignolesques (le sang jaillit tout autant que les idées !), mais aussi grâce à l’habileté de l’écriture précise et féroce de Thomas Tessier qui manipule, triture, tripote et décortique avec une irrévérence joyeuse et érudite à la fois, les concepts, croyances et courants de pensée engendrés par les religions et par ceux qui ont refusé au fil des siècles de s’y soumettre. Olivier Ranger sert admirablement, au grand dam de son adversaire mais pour le plus grand plaisir du public, une partition alliant la rigueur absolue à l’ironie flegmatique, au service d’une argumentation inflexible affirmant la supériorité et le triomphe de la raison sur la foi. Claire Pétrouchine n’est quant à elle pas en reste, composant avec son jeu pétillant un personnage haut en couleurs incarnant la révolte contre les diktats moralistes et hypocrites des religions, véritable ode à la liberté et à l’émancipation féminine.

On ressort donc du « Barbier »  ravi.e.s d’avoir assisté à l’expression intelligente, un peu folle et follement drôle, mais aussi furieusement déterminée, de l’inaliénable légitimité, et même de la nécessité absolue en ces temps troublés, de remettre en cause les « vérités » que nombre d’esprits obtus voudraient imposer au reste du monde, et de s’en moquer allègrement et avec délectation. Et on se dit qu’on en aurait bien repris pour un petit quart d’heure de plus…

Charles Lasry

Châlon dans la rue 2018
 

Faut-il vous recommander d’aller voir Le Barbier, spectacle de L’amicale des
misanthropes joué dans la cour de l’ancienne prison ? Si vous jugez que la
pensée de Spinoza était celle d’un hérétique doublé d’un blasphémateur… Si
votre plus grand regret demeure que Nietzsche soit mort fou dans un
prototype d’EHPAD et non brûlé vif sur un bûcher… Si vous croyez vraiment
que soixante-dix vierges s’offriront à vous une fois que vous vous serez fait
éparpiller façon puzzle dans un café ou un bus, après avoir crié « Allah
Akbar ! »… Si vous avez défilé avec des poussettes en 2013 en criant « un
papa, une maman, on ne ment pas aux enfants »… Si vous remerciez Dieu
chaque matin de vous avoir fait homme et non pas femme… Pas sûr que ce
spectacle vous fasse rire. Ceci précisé, dans la mesure où l’on ne vit pas dans
une théocratie, vous ferez bien ce que vous voudrez.
Pour les athées, ces gens assez téméraires pour affirmer que Dieu n’existe
pas alors qu’on n’en sait strictement rien, ce spectacle sera comme du « pain
béni ». Ils pourront aisément bouffer du curé, de l’imam, du rabbin ou de
toute autre variété de gourou, le tout avec un air entendu.
Pour les sceptiques, les agnostiques, ceux qui doutent, ne voient dans
l’existence de Dieu qu’une hypothèse, Le Barbier fera plutôt l’effet d’un
grand bol d’air frais. En effet, la troupe de joyeux drilles officiant sur scène
est drôle. Grâce à une intrigue judicieusement tirée par les cheveux, ainsi
qu’à des dialogues bien léchés et des réparties bien sen;es, elle interroge
plus qu’elle n’assène des « vérités » toutes faites. Surtout, dans un contexte
où l’on se met à reparler du « droit au blasphème » et de limiter la liberté
d’expression, surtout quand elle est exercée par Charlie Hebdo, le spectacle
de L’Amicale des misanthropes fait beaucoup de bien. On se sent moins
seul. On se prend même à espérer qu’on ne sera pas un jour tous obligés de
se mettre à genoux ou à quatre pattes pour invoquer la miséricorde d’un Dieu
qui, à bien y réfléchir, ressemble plus à une surface de projections des
psychés humaines qu’à quoi que ce soit d’autre.
Bref, Le Barbier est à voir, surtout si vous en avez plein le dos des grenouilles
de béniters, des pratiquants à géométrie variable, de toutes celles et tous
ceux qui vous brisent les noix avec leurs règles même pas transcrites dans le
seul droit qui, à ce jour, est réputé s’appliquer : le droit positif français, à
savoir l'ensemble des règles de droit effectivement en vigueur en France.
Pour les autres, info-chalon.com décline toute responsabilité en cas
d’infarctus ou de crise de nerfs.
Publié par
Samuel Bon le 20 juillet 2018 sur info-chalon.com

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